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Par ici les poètes

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Par ici les poètes - Page 10 Empty À Jeanne

Message par elaine Ven 4 Juin - 22:17

À Jeanne

Ces lieux sont purs ; tu les complètes.
Ce bois, loin des sentiers battus,
Semble avoir fait des violettes,
Jeanne, avec toutes tes vertus.

L'aurore ressemble à ton âge ;
Jeanne, il existe sous les cieux
On ne sait quel doux voisinage
Des bons coeurs avec les beaux lieux.

Tout ce vallon est une fête
Qui t'offre son humble bonheur ;
C'est un nimbe autour de ta tête ;
C'est un éden en ton honneur.

Tout ce qui t'approche désire
Se faire regarder par toi,
Sachant que ta chanson, ton rire,
Et ton front, sont de bonne foi.

Ô Jeanne, ta douceur est telle
Qu'en errant dans ces bois bénis,
Elle fait dresser devant elle
Les petites têtes des nids.

Poète : Victor Hugo (1802-1885)
Recueil : Les chansons des rues et des bois (1865).



Par ici les poètes - Page 10 1029

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Par ici les poètes - Page 10 Empty Demain

Message par elaine Mar 13 Juil - 19:17

Demain

Âgé de cent-mille ans, j'aurais encore la force
De t'attendre, o demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir : neuf est le matin, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.

Robert Desnos (1900-1945), État de veille, 1942



Par ici les poètes - Page 10 01230


«Le monde ne sera pas détruit  par ceux qui font le mal,
mais par ceux qui les regardent sans rien faire.» (Albert Einstein)
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Par ici les poètes - Page 10 Empty Pour dessiner un bonhomme

Message par elaine Mer 28 Juil - 23:23

Pour dessiner un bonhomme

Deux petits ronds dans un rond
Pour le nez, un trait droit et long
Une courbe dessous, la bouche
Et pour chaque oreille, une boucle

Sous le beau rond, un autre rond
Plus grand encore et plus oblong
On peut y mettre des boutons :
Quelques gros points y suffiront

Deux traits vers le haut pour les bras
Grands ouverts en signe de joie
Et puis deux jambes dans le bas
Qu’il puisse aller où il voudra

Et voici un joli bonhomme
Rond et dodu comme une pomme
Qui rit d’être si vite né
Et de danser sur mon papier



Par ici les poètes - Page 10 01241


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Par ici les poètes - Page 10 Empty Berger d´abeilles

Message par elaine Mer 11 Aoû - 13:54

Berger d´abeilles

Le doux titre et l’emploi charmant :
Être, en juin, un berger d’abeilles,
Lorsque les prés sont des corbeilles
Et les champs des mers de froment ;

Quand les faucheurs sur les enclumes
Martèlent la faux au son clair,
Et que les oisillons dans l’air
Font bouffer leurs premières plumes !

Berger d’abeilles, je le fus,
A huit ans, la-bas, chez mon père,
Lorsque son vieux rucher prospère
Chantait sous ses poiriers touffus.

Quel bonheur de manquer l’école
Que l’été transforme en prison,
De se rouler dans le gazon,
Ou de suivre l’essaim qui vole,

En lui disant sur un ton doux
Pour qu’il s’arrête aux branches basses :
» Posez-vous, car vous êtes lasses ;
Belles abeilles, posez-vous !

» Nous avons des ruches nouvelles
Faites d’un bois qui vous plaira ;
La sauge les parfumera :
Posez-vous, abeilles, mes belles ! »

Et les abeilles se posaient
En une énorme grappe grise
Que berçait mollement la brise
Dans les rameaux qui bruissaient.

» Père ! criais-je, père ! arrive !
Un essaim ! » Et l’on préparait
La ruche neuve où sans regret
La tribu demeurait captive.

Puis, sur le soir, lorsque, à pas lents,
Du fond des pâtures lointaines
Les troupeaux revenaient bêlants
Vers l’étable et vers les fontaines,

Je retrouvais mon père au seuil
Comptant ses bêtes caressantes,
Et lui disais avec orgueil :
» Toutes les miennes sont présentes ! »

Le doux titre et l’emploi charmant :
Être, en juin, un berger d’abeilles,
Lorsque les prés sont des corbeilles
Et les champs des mers de froment !

François Fabié



Par ici les poètes - Page 10 01245




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Message par Invité Mer 11 Aoû - 19:24

Merci Elaine pour ce berger d'abeilles.

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Message par elaine Mer 11 Aoû - 19:25

Mamie a écrit:Merci Elaine pour ce berger d'abeilles.
Au plaisir Mamie


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Par ici les poètes - Page 10 Empty À une jeune fille

Message par elaine Dim 29 Aoû - 13:03

À une jeune fille

Vous qui ne savez pas combien l'enfance est belle,
Enfant ! n'enviez point notre âge de douleurs,
Où le cœur tour à tour est esclave et rebelle,
Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs.

Votre âge insouciant est si doux qu'on l'oublie !
Il passe, comme un souffle au vaste champ des airs,
Comme une voix joyeuse en fuyant affaiblie,
Comme un alcyon sur les mers.

Oh ! ne vous hâtez point de mûrir vos pensées !
Jouissez du matin, jouissez du printemps ;
Vos heures sont des fleurs l'une à l'autre enlacées ;
Ne les effeuillez pas plus vite que le temps.

Laissez venir les ans ! le destin vous dévoue,
Comme nous, aux regrets, à la fausse amitié,
À ces maux sans espoir que l'orgueil désavoue,
À ces plaisirs qui font pitié.

Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance
Riez ! n'attristez pas votre front gracieux,
Votre oeil d'azur, miroir de paix et d'innocence,
Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux !

Victor Hugo. Février 1825



Par ici les poètes - Page 10 0268




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Message par Invité Mar 31 Aoû - 19:47

Elaine, j'aime beaucoup cette poésie de Victor Hugo :

Âme ! être, c'est aimer.

Il est.

C'est l'être extrême.
Dieu, c'est le jour sans borne et sans fin qui dit : j'aime.
Lui, l'incommensurable, il n'a point de compas ;
Il ne se venge pas, il ne pardonne pas ;
Son baiser éternel ignore la morsure ;
Et quand on dit : justice, on suppose mesure.
Il n'est point juste ; il est. Qui n'est que juste est peu.
La justice, c'est vous, humanité ; mais Dieu
Est la bonté. Dieu, branche où tout oiseau se pose !
Dieu, c'est la flamme aimante au fond de toute chose.
Oh ! tous sont appelés et tous seront élus.
Père, il songe au méchant pour l'aimer un peu plus.
Vivants, Dieu, pénétrant en vous, chasse le vice.
L'infini qui dans l'homme entre, devient justice,
La justice n'étant que le rapport secret
De ce que l'homme fait à ce que Dieu ferait.
Bonté, c'est la lueur qui dore tous les faîtes ;
Et, pour parler toujours, hommes, comme vous faites,
Vous qui ne pouvez voir que la forme et le lieu,
Justice est le profil de la face de Dieu.
Vous voyez un côté, vous ne voyez pas l'autre.
Le bon, c'est le martyr ; le juste n'est qu'apôtre ;
Et votre infirmité, c'est que votre raison
De l'horizon humain conclut l'autre horizon.
Limités, vous prenez Dieu pour l'autre hémisphère.
Mais lui, l'être absolu, qu'est-ce qu'il pourrait faire
D'un rapport ? L'innombrable est-il fait pour chiffrer ?
Non, tout dans sa bonté calme vient s'engouffrer.
On ne sait où l'on vole, on ne sait où l'on tombe,
On nomme cela mort, néant, ténèbres, tombe,
Et, sage, fou, riant, pleurant, tremblant, moqueur,
On s'abîme éperdu dans cet immense coeur !
Dans cet azur sans fond la clémence étoilée
Elle-même s'efface, étant d'ombre mêlée !
L'être pardonné garde un souvenir secret,
Et n'ose aller trop haut ; le pardon semblerait
Reproche à la prière, et Dieu veut qu'elle approche ;
N'étant jamais tristesse, il n'est jamais reproche,
Enfants. Et maintenant, croyez si vous voulez !

Victor Hugo.

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Message par elaine Mar 31 Aoû - 21:33

Merci Mamie, très beau poème.


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Par ici les poètes - Page 10 Empty Re: Par ici les poètes

Message par elaine Mar 21 Sep - 21:26

L’automne

On voit tout le temps, en automne,
Quelque chose qui vous étonne,
C’est une branche, tout à coup,
Qui s’effeuille dans votre cou.

C’est un petit arbre tout rouge,
Un, d’une autre couleur encor,
Et puis, partout, ces feuilles d’or
Qui tombent sans que rien ne bouge.

Nous aimons bien cette saison,
Mais la nuit si tôt va descendre !
Retournons vite à la maison
Rôtir nos marrons dans la cendre.

Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945)



Par ici les poètes - Page 10 01258





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Par ici les poètes - Page 10 Empty L’écureuil et la feuille

Message par elaine Dim 26 Sep - 19:25

L’écureuil et la feuille

Un écureuil, sur la bruyère,
Se lave avec de la lumière.

Une feuille morte descend,
Doucement portée par le vent.

Et le vent balance la feuille
Juste au-dessus de l’écureuil ;

Le vent attend, pour la poser
Légèrement sur la bruyère,

Que l’écureuil soit remonté
Sur le chêne de la clairière

Où il aime à se balancer
Comme une feuille de lumière.

Maurice Carème



Par ici les poètes - Page 10 0422



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Par ici les poètes - Page 10 Empty Le vase

Message par elaine Ven 8 Oct - 20:40

Le vase

L’ivoire est ciselé d’une main fine et telle
Que l’on voit les forêts de Colchide et Jason
Et Médée aux grands yeux magiques. La Toison
Repose, étincelante, au sommet d’une stèle.

Auprès d’eux est couché le Nil, source immortelle
Des fleuves, et, plus loin, ivres du doux poison,
Les Bacchantes, d’un pampre à l’ample frondaison,
Enguirlandent le joug des taureaux qu’on dételle.

Au-dessous, c’est un choc hurlant de cavaliers ;
Puis les héros rentrant morts sur leurs boucliers
Et les vieillards plaintifs et les larmes des mères.

Enfin, en forme d’anse arrondissant leurs flancs
Et posant aux deux bords leurs seins fermes et blancs,
Dans le vase sans fond s’abreuvent des Chimères.

José-Maria de Heredia, Les Trophées



Par ici les poètes - Page 10 0551



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Par ici les poètes - Page 10 Empty Ma maison

Message par elaine Mer 3 Nov - 22:02

Ma maison

Face au midi, bien adossée
A l’ancien étang féodal
Dont elle épaule la chaussée,
Elle fut le moulin banal

Où deux ou trois pauvres villages
Et quelques petits mas perdus,
Avec leurs maigres attelages
Plusieurs siècles sont descendus

Moudre, au tic tac vieillot et grêle
D’un mécanisme trébuchant,
Tout ce que la dîme ou la grêle
Laissaient de seigle sur leur champ…

Mais lorsque le soc populaire
Démantela le vieux château,
Et que, sous un flot de colère,
Son granit roula du coteau,

Mon aïeul, – un Jacques Bonhomme
Très longtemps meunier chez autrui, –
Ayant été très économe,
Put devenir meunier chez lui.

Il acheta l’humble ruine,
Prit la truelle du maçon,
Et fit un moulin à farine
De l’antique moulin de son,

Exhaussa le tout d’un étage
Large, aéré, plein de soleil,
D’où l’on entend le caquetage
De la trémie à son réveil ;

Puis crânement, sur la toiture,
Comme un noble arbore un blason,
D’une meule en miniature
Il girouetta sa maison.

Il planta – car celui qui plante
A foi vraiment en l’avenir –
Des arbres à croissance lente
Qui font durer le souvenir,

Et qui, maintenant séculaires,
Sur le vieux toit coubés du vent,
Parlent à voix hautes et claires
De l’ancêtre en eux survivant…

Il prit femme ; et ma bonne aïeule
Se mit a l’oeuvre sans façons,
Berçant au refrain de sa meule
Trois filles et quatre garçons

Qui remplirent de cris, de joies,
De luttes et de jeux sans fin
La maison, le pâtis aux oies
Et tous les halliers du ravin,

Puis si vaillamment essaimèrent
Et si gaîment, quoique pieds nus,
Que des vieillards qui les aimèrent
Sont fiers de les avoir connus…

C’est là ma maison paternelle,
C’est là le nid qui m’a bercé :
Que ne puis-je y ployer mon aile
Et n’y vivre que du passé ?

François Fabié, Fleurs de genêts



Par ici les poètes - Page 10 0278





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Par ici les poètes - Page 10 Empty Trois escargots

Message par elaine Jeu 11 Nov - 23:07

Trois escargots

J’ai rencontré trois escargots
Qui s’en allaient cartable au dos
Et dans le pré trois limaçons
Qui disaient par cœur leur leçon.
Puis dans un champ, quatre lézards
Qui écrivaient un long devoir.
Où peut se trouver leur école ?
Au milieu des avoines folles ?
Et leur maître est-il ce corbeau
Que je vois dessiner là-haut
De belles lettres au tableau

Maurice Carême


Par ici les poètes - Page 10 0214



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Par ici les poètes - Page 10 Empty 1909

Message par elaine Dim 21 Nov - 22:23

1909

La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodée d’or
Était composée de deux panneaux
S’attachant sur l’épaule

Les yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges
Elle avait un visage aux couleurs de France

Elle était décolletée en rond
Et coiffée à la Récamier
Avec de beaux bras nus

N’entendra-t-on jamais sonner minuit

La dame en robe d’ottoman violine
Et en tunique brodée d’or
Décolletée en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d’or
Et traînait ses petits souliers à boucles

Elle était si belle
Que tu n’aurais pas osé l’aimer

J’aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveau

J’aimais j’aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume
Cette femme était si belle
Qu’elle me faisait peur

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913


Par ici les poètes - Page 10 0283


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Par ici les poètes - Page 10 Empty Les genêts

Message par elaine Jeu 25 Nov - 22:40

Les genêts

Les genêts, doucement balancés par la brise,
Sur les vastes plateaux font une boule d’or ;
Et tandis que le pâtre à leur ombre s’endort,
Son troupeau va broutant cette fleur qui le grise ;

Cette fleur qui le fait rêver d’amour, le soir,
Quand il roule du haut des monts vers les étables,
Et qu’il croise en chemin les grands boeufs vénérables
Dont les doux beuglements appellent l’abreuvoir ;

cette fleur toute d’or, de lumière et de soie,
En papillons posée au bout des brins menus,
Et dont les lourds parfums semblent être venus
De la plage lointaine où le soleil se noie…

Certes, j’aime les prés où chantent les grillons,
Et la vigne pendue aux flancs de la colline,
Et les champs de bleuets sur qui le blé s’incline,
Comme sur des yeux bleus tombent des cheveux blonds.

Mais je préfère aux prés fleuris, aux grasses plaines,
Aux coteaux où la vigne étend ses pampres verts,
Les sauvages sommets de genêts recouverts,
Qui font au vent d’été de si fauves haleines.

Vous en souvenez-vous, genêts de mon pays,
Des petits écoliers aux cheveux en broussailles
Qui s’enfonçaient sous vos rameaux comme des cailles,
Troublant dans leur sommeil les lapins ébahis ?

Comme l’herbe était fraîche à l’abri de vos tiges !
Comme on s’y trouvait bien, sur le dos allongé,
Dans le thym qui faisait, aux sauges mélangé,
Un parfum enivrant à donner des vertiges !

Et quelle émotion lorsqu’un léger froufrou
Annonçait la fauvette apportant la pâture,
Et qu’en bien l’épiant on trouvait d’aventure
Son nid plein d’oiseaux nus et qui tendaient le cou !

Quel bonheur, quand le givre avait garni de perles
Vos fins rameaux ténus qui sifflaient dans le vent,
– Précoces braconniers, – de revenir souvent
Tendre en vos corridors des lacets pour les merles.

Mais il fallut quitter les genêts et les monts,
S’en aller au collège étudier des livres,
Et sentir, loin de l’air natal qui vous rend ivres,
S’engourdir ses jarrets et siffler ses poumons ;

Passer de longs hivers dans des salles bien closes,
A regarder la neige à travers les carreaux,
Éternuant dans des auteurs petits et gros,
Et soupirant après les oiseaux et les roses ;

Et, l’été, se haussant sur son banc d’écolier,
Comme un forçat qui, tout en ramant, tend sa chaîne,
Pour sentir si le vent de la lande prochaine
Ne vous apporte pas le parfum familier.

Enfin, la grille s’ouvre ! on retourne au village ;
Ainsi que les genêts notre âme est tout en fleurs,
Et dans les houx remplis de vieux merles siffleurs,
On sent un air plus pur qui vous souffle au visage.

On retrouve l’enfant blonde avec qui cent fois
On a jadis couru la forêt et la lande ;
Elle n’a point changé, – sinon qu’elle est plus grande,
Que ses yeux sont plus doux et plus douce sa voix.

» Revenons aux genêts ! – Je le veux bien ? » dit-elle.
Et l’on va côte à côte, en causant, tout troublés
Par le souffle inconnu qui passe sur les blés,
Par le chant d’une source ou par le bruit d’une aile.

Les genêts ont grandi, mais pourtant moins que nous ;
Il faut nous bien baisser pour passer sous leurs branches,
Encore accroche-t-elle un peu ses coiffes blanches ;
Quant à moi, je me mets simplement à genoux.

Et nous parlons des temps lointains, des courses folles,
Des nids ravis ensemble, et de ces riens charmants
Qui paraissent toujours si beaux aux coeurs aimants
Parce que les regards soulignent les paroles.

Puis le silence ; puis la rougeur des aveux,
Et le sein qui palpite, et la main qui tressaille,
Au loin un tendre appel de ramier ou de caille…
Comme le serpolet sent bon dans les cheveux !

Et les fleurs des genêts nous font un diadème ;
Et, par l’écartement des branches, haut dans l’air.
Paraît comme un point noir l’alouette au chant clair
Qui, de l’azur, bénit le coin d’ombre où l’on aime !…

Ah ! de ces jours lointains, si lointains et si doux,
De ces jours dont un seul vaut une vie entière,
– Et de la blonde enfant qui dort au cimetière, –
Genêts de mon pays, vous en souvenez-vous ?

François FABIÉ (1846 – 1928)



Par ici les poètes - Page 10 0342





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Par ici les poètes - Page 10 Empty A mon ami Alfred T.

Message par elaine Mer 12 Jan - 23:13

A mon ami Alfred T.

Dans mes jours de malheur, Alfred, seul entre mille,
Tu m’es resté fidèle où tant d’autres m’ont fui.
Le bonheur m’a prêté plus d’un lien fragile ;
Mais c’est l’adversité qui m’a fait un ami.

C’´est ainsi que les fleurs sur les coteaux fertiles
Etalent au soleil leur vulgaire trésor ;
Mais c’est au sein des nuits, sous des rochers stériles,
Que fouille le mineur qui cherche un rayon d’or.

C’est ainsi que les mers calmes et sans orages
Peuvent d’un flot d’azur bercer le voyageur ;
Mais c’est le vent du nord, c’est le vent des naufrages
Qui jette sur la rive une perle au pêcheur.

Maintenant Dieu me garde ! Où vais-je ? Eh ! que m’importe ?
Quels que soient mes destins, je dis comme Byron :
« L’Océan peut gronder, il faudra qu’il me porte. »
Si mon coursier s’abat, j’y mettrai l’éperon.

Mais du moins j’aurai pu, frère, quoi qu’il m’arrive,
De mon cachet de deuil sceller notre amitié,
Et, que demain je meure ou que demain je vive,
Pendant que mon coeur bat, t’en donner la moitié.

Alfred de Musset



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Par ici les poètes - Page 10 Empty Chanson d´amour

Message par elaine Ven 21 Jan - 22:12

Chanson d´amour

Qui veut avant le point du jour,
Vers le bien-aimé de mon âme,
Parce que je languis d'amour,
Porter le secret de ma flamme ?

Ô mon cœur, à quel cœur discret
Peux-tu te confier encore ? —
Si l'alouette a mon secret,
Elle ira le dire à l'Aurore.

Le désir de son javelot
A percé mon cœur qui se brise. —
Si je dis mon secret au flot,
Le flot l'ira dire à la brise.

Un frisson glisse sur mon col,
Et glace ma lèvre déclose. —
Si je le dis au rossignol,
Il ira le dire à la rose.

Qui donc saura le supplier
De finir mes peines mortelles ? —
Si je le dis au blanc ramier,
Il l'ira dire aux tourterelles.

Je me ploie ainsi qu'un roseau
Et ma beauté penche flétrie. —
Si je le dis au bleu ruisseau,
Il l'ira dire à la prairie.

Vous qui voyez mon désespoir,
Flots, ailes, brises des montagnes ! —
Si je le dis à mon miroir,
Il l'ira dire à mes compagnes.

Parce que je languis d'amour,
Vous qui voyez que je me pâme, —
Allez, allez de ce séjour
Vers le bien-aimé de mon âme !

Théodore de Banville ((1823-1891)




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Par ici les poètes - Page 10 Empty À Aimée d'Alton

Message par elaine Ven 11 Fév - 23:15

À Aimée d'Alton

Déesse aux yeux d'azur, aux épaules d'albâtre,
Belle muse païenne au sourire adoré,
Viens, laisse-moi presser de ma lèvre idolâtre
Ton front qui resplendit sous un pampre doré.

Vois-tu ce vert sentier qui mène à la colline ?
Là, je t'embrasserai sous le clair firmament,
Et de la tiède nuit la lueur argentine
Sur tes contours divins flottera mollement.

Alfred de Musset.



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«Le monde ne sera pas détruit  par ceux qui font le mal,
mais par ceux qui les regardent sans rien faire.» (Albert Einstein)
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Par ici les poètes - Page 10 Empty Barbara

Message par elaine Lun 14 Mar - 22:10

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante,
Epanouie, ravie, ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais d'même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je n'connaissais pas
Toi qui n'me connaissais pas,
Rappelle-toi,
Rappelle-toi quand même ce jour-là,
N'oublie pas

Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie, r
Ruisselante, ravie, épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis "Tu" à tous ceux que j'aime
Même si je n'les ai vus qu'une seule fois
Je dis "Tu" à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas

Rappelle-toi Barbara,
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse

Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara

Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara

Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Jacques Prévert



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Par ici les poètes - Page 10 Empty Vitrail

Message par elaine Sam 23 Avr - 12:22

Vitrail

Cette verrière a vu dames et hauts barons
Étincelants d’azur, d’or, de flamme et de nacre,
Incliner, sous la dextre auguste qui consacre,
L’orgueil de leurs cimiers et de leurs chaperons ;

Lorsqu’ils allaient, au bruit du cor ou des clairons,
Ayant le glaive au poing, le gerfaut ou le sacre,
Vers la plaine ou le bois, Byzance ou Saint-Jean d’Acre,
Partir pour la croisade ou le vol des hérons.

Aujourd’hui, les seigneurs auprès des châtelaines,
Avec le lévrier à leurs longues poulaines,
S’allongent aux carreaux de marbre blanc et noir ;

Ils gisent là sans voix, sans geste et sans ouïe,
Et de leurs yeux de pierre ils regardent sans voir
La rose du vitrail toujours épanouie.

José-Maria de Heredia, Les Trophées



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Message par elaine Lun 2 Mai - 23:28

Ces liens d’or, cette bouche vermeille

Ces liens d’or, cette bouche vermeille,
Pleine de lis, de roses et d’oeillets,
Et ces coraux chastement vermeillets,
Et cette joue à l’Aurore pareille ;

Ces mains, ce col, ce front, et cette oreille,
Et de ce sein les boutons verdelets,
Et de ces yeux les astres jumelets,
Qui font trembler les âmes de merveille,

Firent nicher Amour dedans mon sein,
Qui gros de germe avait le ventre plein
D’oeufs non formés qu’en notre sang il couve.

Comment vivrai-je autrement qu’en langueur,
Quand une engeance immortelle je trouve
D’Amours éclos et couvés en mon coeur ?

Pierre de Ronsard



Par ici les poètes - Page 10 02116




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Message par elaine Mer 25 Mai - 18:45

Chant de printemps

Enfin le printemps nous donne
Sa couronne,
Et ses parfums précieux ;
Enfin parmi les prairies
Refleuries
S'égarent nos pas joyeux.

Vois à travers le feuillage
Du rivage,
Frémir le lac doux et pur !
Plus loin, vois, ô ma compagne !
La montagne
Briller dans les champs d'azur !

As-tu vu, de ta fenêtre
Disparaître
Du soir les riches couleurs ?
As-tu senti, sur la plaine.
Quelle haleine
Monte des lilas en fleurs ?

Le cœur, au printemps suave,
Sans entrave,
N'est-ce pas ? Peut s'élever.
Tout aspire ce mystère
Dont la terre
S'enveloppe pour rêver.

Mais, plus que cette nature
Grande et pure,
Plus que les teintes des cieux ;
Bien plus que l'azur de l'onde
Si profonde,
Et que les monts glorieux ;

Plus que l'haleine surprise
De la brise
Dans les longs plis du rideau,
J'aime entre les fleurs écloses
Et les roses,
Voir briller ton œil si beau :

Ô toi, mon amour suprême !
J'aime, j'aime
Ton souris plein de douceur,
Ton souris qui me fait vivre,
Qui m'enivre
Et met le ciel dans mon cœur.

Henri Durand (1818-1842)



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Par ici les poètes - Page 10 Empty Les funérailles

Message par elaine Lun 30 Mai - 23:34

Les funérailles

Vers la Phocide illustre, aux temples que domine
La rocheuse Pytho toujours ceinte d’éclairs,
Quand les guerriers anciens descendaient aux enfers,
La Grèce accompagnait leur image divine.

Et leurs Ombres, tandis que la nuit illumine
L’Archipel radieux et les golfes déserts,
Écoutaient, du sommet des promontoires clairs,
Chanter sur leurs tombeaux la mer de Salamine.

Et moi je m’éteindrai, vieillard, en un long deuil ;
Mon corps sera cloué dans un étroit cercueil
Et l’on paîra la terre et le prêtre et les cierges.

Et pourtant j’ai rêvé ce destin glorieux
De tomber au soleil ainsi que les aïeux,
Jeune encore et pleuré des héros et des vierges.

José-Maria de Heredia, Les Trophées


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Message par elaine Dim 5 Juin - 22:07

Lune de fête

La lune
on ne la voit dans les fêtes.
Il y a trop de lunes
sur la pelouse !

Tout veut jouer à être lune.
La même fête
C’est une lune blessée
qui est tombée sur la ville.

Des lunes microscopiques
dansent sur les vitres
Et certaines restent
Sur les gros nuages
De la fanfare.

La lune de l’azur
on ne la voit pas dans les fêtes
Elle se voile et soupire :
» J’ai mal aux yeux ! »

Federico Garcia Lorca, Poemas de la Feria
Traduction de Winston Perez



Par ici les poètes - Page 10 0742


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Par ici les poètes - Page 10 Empty Bien que la guerre soit âpre, fière et cruelle

Message par elaine Ven 10 Juin - 22:03

Bien que la guerre soit âpre, fière et cruelle

Bien que la guerre soit âpre, fière et cruelle
Et qu’un douteux combat dérobe la douceur,
Que de deux camps mêlés l’une et l’autre fureur
Perde son espérance, et puis la renouvelle,

Enfin, lors que le champ par les plombs d’une grêle
Fume d’âmes en haut, ensanglanté d’horreur,
Le soldat déconfit s’humilie au vainqueur,
Forçant à jointes mains une rage mortelle.

Je suis porté par terre, et ta douce beauté
Ne me peut faire croire en toi la cruauté
Que je sens au frapper de ta force ennemie :

Quand je te crie merci, je me mets à raison,
Tu ne veux me tuer, ni m’ôter de prison
Ni prendre ma rançon, ni me donner la vie.

Théodore Agrippa d’Aubigné



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